Allocution du Premier Ministre au Senat
Le Premier ministre, Chef du gouvernement, Raymond Ndong Sima, répondant à une interpellation du Senat, a exposé, le 26 novembre 2013, sur les différents sujets portés à son attention et donc voici le contenu :
Madame le Président du Sénat,
Vénérables Sénateurs,
Mesdames et messieurs.
Par lettre en date du 18 novembre 2013, vous m'avez notifié la décision de la Conférence des Présidents du Sénat de procéder à l'organisation d'une séance plénière ce mardi 26 novembre 2013, consacrée aux questions orales avec débats sur l'insalubrité de la commune de Libreville et sur la prévention des catastrophes naturelles. Votre lettre précise que cette décision est intervenue après avoir entendu le Maire de Libreville en raison de l'approche multisectorielle de la gestion des ordures ménagères.
Je me présente donc ici, ainsi que vous l'avez demandé, accompagné de plusieurs membres du Gouvernement, deux de ceux que vous avez listés étant cependant en mission hors du pays. Ma réponse commencera par le premier point que vous avez soulevé : l'insalubrité de la ville de Libreville, elle abordera dans une seconde partie la prévention des catastrophes naturelles.
I. Insalubrité de la commune de Libreville
L'audition du Maire de la Commune de Libreville lui a donné l'opportunité de vous faire un exposé dans lequel il a passé en revue l'historique de la collecte des ordures ménagères à Libreville et les solutions techniques retenues à cet effet, en l'occurrence la convention de concession signée entre l'Etat Gabonais d'une part, la Mairie de Libreville et la société SOVOG d'autre part.
Cette solution, pour différentes raisons qui tiennent peut-être à l'exécution dilettante des termes de la convention par le concédant ou bien à des défaillances techniques du concessionnaire, n'a pas été performante.
Bien avant le Maire de la Commune de Libreville, le Ministre de l'Intérieur de la Sécurité Publique, de l'Immigration et de la Décentralisation avait été auditionné, à ce sujet, à l'Assemblée Nationale le 24 octobre 2012 et le 07 juin 2013.
Suite à ces auditions, le Gouvernement a lancé, en octobre 2012,puis en juin 2013, deux plans d'urgence qui ont connu des fortunes diverses. De toute évidence, l'audition de ce jour traduit votre insatisfaction et le besoin d'une perspective acceptable dans la conduite future de ce dossier.
Permettez-moi de rappeler que ce dossier a été le premier que j'ai ouvert dès mon arrivée à la primature. Son examen m'a conduit à plusieurs observations dès le mois de mai 2012. J'ai notamment relevé que :
1. cette convention de concession était particulièrement favorable au concessionnaire ;
2. sa dénonciation serait laborieuse ;
3. son champ d'application était largement dépassé en raison de l'évolution démographique de la ville de Libreville et de ses prolongements ;
4. les ressources affectées à la collecte et au traitement des ordures étaient insuffisantes.
Partant de ce dernier constat, j'ai estimé que l'Etat devait s'impliquer un peu plus dans le capital de SOVOG pour :
1. avoir l'accès à l'entièreté de l'information relative à la gestion de cette société ;
2. avoir la possibilité de peser sur ses décisions de gestion ;
3. mieux organiser le traitement de ce dossier dans la perspective de son extension à l'ensemble du pays.
Ma proposition s'appuyait sur les dispositions de la loi n° 15/96 du 6 juin 1996 dans son troisième chapitre relatif au fonds de péréquation des collectivités locales et en particulier ses articles 220 à 222. Elle visait dans un premier temps, à recapitaliser la SOVOG et, ultérieurement, s'agissant de ressources communes à toutes les collectivités, à étendre ses activités de collecte et de traitement des ordures dans toutes les communes du pays.
Le Fonds Gabonais d'Investissement Souverain d'abord, la Caisse des Dépôts et Consignation par la suite se sont chargés,à partir d'octobre 2012, de mettre en route les évolutions institutionnelles de SOVOG qui, à cette occasion, a changé de dénomination pour devenir CLEAN AFRICA. Son nouveau conseil d'administration s'est réuni à Libreville, le 30 octobre 2013. Au terme de cette réunion, il a notamment été décidé du lancement d'un nouveau plan d'urgence qui durera 6 mois, en attendant l'arrivée des nouveaux matériels vers le mois de juin 2014. Ce plan s'exécute correctement depuis une dizaine de jours mais ses effets se feront sentir avec le temps, compte tenu des points noirs qu'il faudra d'abord résorber.
Vénérables Sénateurs,
Ce dossier est symptomatique de l'approche asymétrique qui caractérise notre démarche de résolution des problèmes dans notre pays.
La production des ordures est étroitement corrélée à la croissance exponentielle de nos centres urbains. Elle se complique avec l'architecture spontanée et finalement anarchique que nous avons observée dans la plupart des villes de notre pays qui ne permet pas d'avoir un adressage direct de chaque citoyen.
Ainsi, personne ou presque ne semble intéressé à établir un lien pourtant normal entre la production, le stockage ainsi que le ramassage des ordures et la contribution de chacun à leur élimination. Comment dans ces conditions résoudre durablement le problème.
Parmi les questions qui nécessitent une réponse claire il y a :
1. les aspects techniques qui incluent l'ensemble des opérations de collecte, de stockage et de traitement des ordures ;
2. les aspects financiers qui commandent d'établir un lien, certes objet d'une péréquation au nom de la solidarité, entre la production des ordures et l'effort à fournir par l'ensemble de la collectivité pour leur élimination.
Depuis toujours, nous nous sommes refusés à établir le lien entre ces deux volets de cette importante question. Le temps est venu de le faire. Puisque la loi de finances est toujours à l'examen au Parlement, je vous saisirai prochainement pour y inclure une disposition visant à instituer une contribution spécifique de tous les citadins de ce pays au titre de l'effort en vue de l'élimination des déchets que chacun de nous produit.
II. Prévention des catastrophes naturelles
Pour régler définitivement la question des inondations dans notre capitale, le Gouvernement a mis en place depuis 2003 le programme d'Assainissement Prioritaire de Libreville (APRIL) afin d'aménager huit (8) des vingt deux (22) bassins versants de la ville. Dans ce sens, un premier programme concernant quatre bassins versants a été adossé à un financement de 20 millions d'euros conformément à la loi n°022/2007 qui a autorisé cet emprunt auprès de l'Agence Française de Développement. Cet emprunt a servi à la réalisation des travaux sur un linéaire de 19 kms de canaux et des travaux divers répartis comme suit :
· Batavéa : réhabilitation de 3,5 kms et construction de 4 kms de canaux en béton armé et la réalisation 7,2 kms de piste latérite ;
· Sainte Anne Arombo : aménagement des berges sur 1,7km et construction de 1,7 km de canaux bétonnés et la réalisation 3,5 kms de piste latéritée ;
· Sainte Marie Awondo : aménagement des berges sur 1,2 km et construction de 1,4 km de canaux bétonnés et la réalisation de 2,6 kms de piste latéritée ;
· Zone Industrielle d'Oloumi : aménagement des berges sur 2,6 kms et construction de 2,4 kms de canaux et drains secondaires, curage et réhabilitation de 3,5 kms, réhabilitation de 4,3 kms de voirie et la construction du pont Boulingui.
La deuxième phase du programme APRIL concerne quatre autres bassins versants dont NzengAyong (23kms de canaux bétonnés à construire), Gué-Gué (11 kms de canaux bétonnés à construire), Lowé-IAI (7,5 kms de canaux bétonnés à construire) et Terre Nouvelle (7,1kms de canaux bétonnés à construire), soit un total de 48,6kms. Dans ce sens, l'Union Européenne a décidé d'accompagner notre pays à hauteur de 12 milliards de FCFA sous forme de don pour servir à l'aménagement des 23kms du bassin versant de NzengAyong.
De même, les études des bassins versants de Gué-Gué, Lowé-IAI et Terre Nouvelle se sont achevées le 30 Avril 2012 par l'organisation d'une table ronde des bailleurs de fonds pour mobiliser les fonds nécessaires à la réalisation des travaux d'aménagement desdits bassins. Au terme de cette table ronde, certains partenaires techniques et financiers ont manifesté leur intérêt à accompagner notre pays dans ce vaste programme, à savoir :
- La Banque de Développement des Etats d'Afrique Centrale (BDEAC) ;
- La Banque Islamique de Développement (BID) ;
- L'Agence Française de Développement (AFD).
Conformément au calendrier d'exécution de cette seconde partie du programme, le démarrage des travaux est prévu pour le premier trimestre 2014.
Par ailleurs, avec l'aide de la Facilité Africaine de l'Eau (FAE), organisme de la Banque Africaine de Développement (BAD), le Gouvernement envisage de réaliser des études sur les quatorze (14) autres bassins versants restants sur un programme qui s'étalera sur 10 ans.
Les fonds liés au financement de la contrepartie gabonaise ont été mobilisés et sécurisés au titre de l'année budgétaire 2013.
Pour être complet, une étude complémentaire sur la problématique de la gestion des ordures ménagères et des déchets solides dans les bassins versants a été lancée en Janvier 2013 et devrait être achevée en février 2014.
La viabilité et la durabilité des investissements planifiés dans le cadre de ce programme restent tributaires d'une gestion rationnelle et organisée des déchets solides et ordures ménagères. L'absence d'un système de collecte, d'évacuation finale et de traitement efficace à tous les niveaux serait préjudiciable à la bonne fonctionnalité des ouvrages d'assainissement pluvial, notamment dans un pays comme le Gabon où la pluviométrie atteint parfois des niveaux records.
Les résultats de cette étude nous orientent à instaurer la pré-collecte, à réaliser des points de transbordement le long des voies et un centre de transfert par bassin versant dans lequel sera effectué le tri. Cette étude est une contribution pour régler la question de la gestion des déchets.
En attendant la mobilisation des fonds qui serviront à l'aménagement des bassins versants, une opération de curage de lits de rivière et de canaux est en cours depuis l'année dernière avec un volet surveillance et résorption des points noirs dans l'ensemble du réseau de draine de Libreville.
Cette opération entre dans le cadre d'un entretien curatif et préventif, avec pour effet, l'atténuation des inondations dans les quartiers sous intégrés de la capitale.
La réalisation de ce programme entraine automatiquement le déplacement de populations affectées par ces projets. Le Gouvernement réalise à cet effet dans les quartiers d'Igoumié et de Bikélé des zones de relogement viabilisées. Elles recevront ceux qui occupent des zones non aedificandi afin de les mettre à l'abri des catastrophes que notre pays vient de connaître et qui s'expliquent, au-delà des conséquences des changements climatiques par :
· La construction d'habitations dans des zones non appropriées qui a pour conséquence directe d'imperméabiliser ces surfaces et d'augmenter ainsi significativement les eaux à collecter dans les canaux, dont le dimensionnement d'origine ne prévoyait pas de drainer de tels volumes, d'où les inondations et autres dégâts constatés.
· La problématique de la gestion des déchets solides et des ordures ménagères dans les quartiers dits sous-intégrés fait en sorte que les voies et les moyens empruntés par les eaux finissent par tout emporter sur leur passage et vont dans certains cas jusqu'à rompre l'équilibre d'ouvrages, bâtiments ou talus causant ainsi les éboulements et autres dégâts constatés.
C'est pourquoi les grandes pluies actuelles ont entraîné des inondations dans les quartiers sous-intégrés notamment Kalikak, Derrière la prison, Echangeur de la Cité de la Démocratie, NzengAyong, Glass, Marché Banane, Plein Ciel, Vallée d'Awendjé, etc...
En ce qui concerne le point noir de degré d'urgence 2 de Plein Ciel aux Belles Peintures c'est-à-dire pouvant entrainer une interruption de trafic à court terme, les travaux de remplacement de la buse métallique corrodée par un ouvrage mieux dimensionné pour évacuer les eaux en amont du bassin versant d'Ogombié sont en cours de réalisation par l'entreprise SOBEA afin de mettre les populations à l'abri des inondations et éviter une éventuelle interruption du trafic.
Telles sont Madame le Président, Vénérables Sénateurs, Mesdames et Messieurs, les réponses que j'ai cru devoir apporter aux questions que vous m'avez posées.
Je vous remercie.