De l'Autonomie à l'Indépendance

La Constitution française du 4 Octobre 1958

La Constitution française du 4

Octobre 1958 donnait aux Etats africains membres de la Communauté

franco-africaine, la possibilité d'évoluer vers l'indépendance.

L'article 78 de cette constitution prévoyait le transfert des

compétences de la Communauté à l'un de ses membres au moyen d'accords

particuliers.


L'article 86 prévoyait même le détachement total

de la communauté de l'un des Etats membres pour devenir de facto

indépendant. Dans ce cas de figure, la France cessait tout rapport

avec cet Etat qui sortait du cadre de la Communauté franco-africaine

dans laquelle la France jouait le rôle de mentor.


Ce fût le cas de la Guinée de Sékou Touré qui

vota « Non » au référendum du 28 Septembre 1958, instituant le régime

de la communauté.La voie vers l'indépendance était tracée pour tous

les Etats africains sous domination française, malgré quelques

réticences.

Le 20 Mai 1960

Le gouvernement Léon Mba

obtint, par un vote de l'Assemblée Législative, le mandat de mener des

négociations avec l'ancienne puissance coloniale en vue du transfert

des compétences qui devaient conduire l'Etat autonome du Gabon à

l'Indépendance, mais en « amitié » avec la France.C'est au mois de

Juillet 1960 que la délégation gabonaise conduite par Léon Mba, assisté

du Président de l'Assemblée Législative Paul Gondjout et d'hommes

politiques et notables dont le Prince Félix Adande-Rapontchombo, Eugène

Amogho, André Gustave Anguilè, Pierre Avaro, Jean Aveno Davin, Prince

Birinda de Boudieguy, Jean Félix Mba et N'Nah Bie quittent Libreville

pour Paris. Au Gabon, le peuple (la classe politique) était en émoie,

en attendant le retour de la délégation.A Paris, la délégation

gabonaise eu à négocier avec la délégation française conduite par

Michel Debré, Premier Ministre du Général de Gaulle.

Les accords devaient consacrer les liens privilégiés entre les deux pays.

Ces accords portaient sur :

- Le transfert à la République Gabonaise des compétences de la communauté.

- La participation de la République Gabonaise

symbolisant son attachement indéfectible à l'ancienne puissance

tutrice : la France.

- La coopération en matière de défense, d'aide et d'enseignement supérieur.

Ces accords comportaient trois

annexes précisant les domaines d'intervention.Après leur paraphe, le

15 Juillet 1960, Michel Dibré et Léon Mba s'échangèrent le jour même

des lettres affirmant le caractère péremptoire de ces accords, et la

nécessité de leur ratification par leurs gouvernements respectifs.

LA PROCLAMATION DE L'INDEPENDANCE

Le soir du 16 Août, veille de

l'Indépendance, à 23h20, Léon Mba, Premier ministre, Chef de l'Etat, et

les plénipotentiaires français qui l'accompagnent, dont André Malraux,

émissaire du Général de Gaulle, venu transmettre le pouvoir aux

autorités gabonaises, Yvon Bourges, Haut Commissaire général de l'A.E.F.

et Jean Risterucci Haut Commissaire français au Gabon, sont

accueillis à l'Assemblée Nationale par Paul Gondjout, Président de

l'Institution. Tous s'immobilisent pour écouter, une dernière fois, « 

la MARSEILLAISE » en tant qu'hymne du Territoire, jouée par la Garde

Républicaine. Tout le ghota politique est là, rassemblée, attendant de

suivre les allocutions de cette circonstance exceptionnelle qu'est la

proclamation de l'Indépendance. Ces moments d'intense émotion sont

rompus avant minuit par la première allocution du Président de

l'Assemblée Nationale Paul Gondjout qui ouvre la séance, installé au

bureau présidentiel.

Allocution de M. Paul Gondjout, Président de l'Assemblée Nationale (Extraits).

Mesdames, Messieurs,

Je vous ai invités ce soir pour écouter dans

l'enceinte de cette Assemblée Nationale, la proclamation solennelle de

l'Indépendance de la République Gabonaise.

Messieurs les Ministres,Mesdames,Messieurs,

Le 24 Juillet, voilà donc quelques semaines à

peine, en ce même lieu, le parlement français gabonais a, dans un

enthousiasme général, acclamé les accords de transfert conclu à Paris

le 15 Juillet. Dans quelques minutes sera consacrée la pleine

souveraineté de notre République. En cet instant émouvant, nos pensées

confondent en nos coeurs, la France, notre grande Patrie et son

providentiel représentant, le Général de Gaulle, artisan vénéré de

cette oeuvre généreuse, la Communauté...... « Savoir se libérer n'est rien,

a dit André Gide, l'ardu c'est de savoir être libre ». Certains de

nos frères, hélas ! ne le vérifient-ils pas cruellement en ce moment

aujourd'hui ?Puissent nos élites naissantes se pénétrer de cette

vérité !Puisse l'avenir nous préserver de tout excès !Puissions-nous

enfin mesurer avec exactitude, combien la tâche qui s'offre à nous

sera difficile !... ... A l'adresse de nos amis français et européens du

secteur privé, je me permettrai de répéter : « Je ne pense pas que

notre accession à ce nouvel état qu'est l'indépendance nuise

véritablement à nos rapports ; je ne pense pas qu'il aliènera la

moindre parcelle de vos droits et de vos biens ». Bien au contraire,

le Gabon dont l'hospitalité est hors pair, accueillera toujours aussi

volontiers ceux d'entre nous qui, par leur travail, leurs capacités,

leurs capitaux, accepteront de concourir au développement de ce beau

pays qui est déjà le vôtre ou qui pourra le devenir... ... Cent

vingt-et-une années de longue route commune nous ont permis de bien nous

connaître. Nous connaissant, nous devons nous entendre. Nous le

pouvons...

Discours de André Malraux, Ministre d'Etat chargé de la culture. (Extraits)

Messieurs les présidents,Excellences,Représentants du Peuple Gabonais,

« Bientôt va retentir la salve solennelle qui

salue l'Indépendance des peuples, et qui retentira dans la mémoire de

vos enfants comme celle qui saluait jadis la naissance des rois. ...

Voici donc une des plus grandes heures qu'ait connue votre histoire.

L'ère coloniale à laquelle vous avez fait allusion, Monsieur le

Président, avec une dignité qui n'oubliait ni le souvenir de ce que

vous apportèrent les meilleurs des nôtres, ni la fidélité à la

douleur, est désormais révolue, et il convient qu'elle soit sans

équivoque et sans malentendu. Ni vous ni moi n'avons fait l'histoire

du XIXème siècle mais dans la mesure, et vous savez qu'elle est

grande, où le Général de Gaulle est venu en AFRIQUE pour y proclamer

une charte des droits des Peuples Africains ; il y est revenu pour

proposer la Communauté et j'y suis aujourd'hui, en son nom pour y

fêter l'Indépendance. Quelle qu'aient été dans le monde entier, et

pendant tant d'années, les conditions quelquefois affreuses de

l'Histoire, la France peut être fière au moins de cette nuit historique.

Pour vous, pour nous, pour le Monde, elle couronne nos rendez-vous de

l'histoire et de la Liberté.

(Applaudissements)

Qu'il me soit permis de

m'adresser d'abord à vous, Messieurs les Membres du Gouvernement et de

l'Assemblée, avant de m'adresser à tous. L'espoir est l'un des mots les

plus exaltants de l'Histoire, parce que l'Histoire est faite, entre

autre chose, d'une succession de Terres promises. Mais pour que les

promesses soient tenues, pour qu'il demeure de l'Indépendance autre

chose que le souvenir des jours d'enthousiasme car il existe maintes

formes de dépendance, même dans l'indépendance, il n'est qu'un recours :

l'Etat... Et ne croyons pas que la forme de l'Etat se confonde avec

celle de l'économie... C'est pourquoi je vous souhaite, avec confiance,

du plus profond du coeur, l'Etat qui assumera notre espoir, votre

espoir... Vous connaissez tous l'insigne de notre drapeau commun où une

main africaine serre une main française.

Monsieur le Président,

votre main a toujours été fidèle au Général de

Gaulle, elle a même toujours été fidèle à la France et elle y eut

parfois quelque mérite.

Donnez-la-moi, devant

l'Histoire, je suis heureux que ce soit la vôtre ! Voici l'Indépendance

du Gabon et le drapeau vivant de la Communauté » !

Tonnerre d'applaudissements. La

foule en liesse lance des « hourra » ; d'autres pleurent de joie. A

cette heure fatidique, l'Assemblée mesure le chemin parcourue pour

arriver à ces moments historiques. Paul Gondjout rappelle amicalement à

l'ordre la foule en liesse tapissant même les parois de la Maison de

peuple. Puis le silence se fait.

Léon Mba se lève alors,

accompagné d'applaudissements venant de toutes parts, souriant puis

l'air plus grave, face aux micros que lui tendent les organes de presse

sous la direction de Georges Rawiri à l'époque Directeur- adjoint de

radio Gabon. Il s'exprime d'une voix empreinte d'émotions.

Allocution prononcée par Léon Mba, Premier Ministre de la République Gabonaise.

Messieurs les Ministres d'Etat, représentant de la France,

Leurs Excellences,

Chers compatriotes Gabonais d'adoption et gabonais d'origine,

Nous voici au rendez-vous de la parole donnée. Dans un instant, je vais avoir la gloire de proclamer l'Indépendance du Gabon.

Mon coeur, comme celui de tous

les Gabonais, est plein de joie et de gravité, maintenant que le Gabon

entre dans le concert des nations libres et civilisées.

En ces heures solennelles où

notre pays va naître à son nouveau destin, je prie Dieu qu'Il nous

accorde la fécondité dans nos ménages, la paix dans nos cités,

l'abondance dans nos campagnes, la sagesse et les vertus qui font la

force des Nations, c'est-à-dire, l'Union, la Discipline, le Travail et

la Justice.

Ma pensée se tourne vers la

France amie avec une gratitude profonde. Au Général de Gaulle, champion

de l'Homme noir et de la Communauté franco-africaine, je dis merci.

(Applaudissements)

Merci du plus profond de notre

âme passionnée de vraie fraternité. Et je vois dans la présence à nos

côtés de Monsieur André Malraux, l'illustre Chantre du courage, de la

culture et de l'humaine dignité, le présage de la « Voie Royale » où

s'engage notre pays.