Ali Bongo Ondimba à coeur ouvert avec Alain Foca

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Dans l'entretien ci-dessous accordé au journaliste de radio France international Alain Foca, le Président de la République, Chef de l'Etat Ali Bongo Ondimba a abordé plusieurs thèmes liés notamment à l'actualité nationale et internationale, ainsi que ceux concernant l'institution dont il est le principal responsable

Alain Foca : Dernière actualité au Gabon avec la nomination d'un nouveau gouvernement avec un nouveau Premier ministre. Un gouvernement plutôt réduit mais où ne rentre pas l'opposition, c'est la fin de la réconciliation, c'est la fin du dialogue ?

Ali BONGO ONDIMBA : D'abord concernant le gouvernement, il est important de noter effectivement que tel que nous étions engagés, nous avons procédé à une réduction des membres du gouvernement. En fait, depuis 2008 on peut dire que nous sommes passés de plus 40 ministres à moins de 30 ministres. C'est quelque chose qui était attendu et c'est ce que nous avons fait. À chaque période correspond un type de gouvernement. Pour nous, il était important qu'après les législatives nous puissions mettre en place une équipe plus restreinte mais que je veux beaucoup plus performante et qui puisse permettre d'accélérer tous les programmes que nous avons en cours.

Alain Foca : Est-ce la fin du consensus, ou de la réconciliation ? Parce que là, il n'y a aucun membre de l'opposition

Ali BONGO ONDIMBA : Juste après les élections présidentielles, j'ai tendu la main comme vous le savez bien. Moi, j'ai fait ce geste-là. J'ai invité tout homme, toute femme politique à venir nous retrouver pour mettre en place le programme pour lequel je m'étais présenté pour solliciter les suffrages de mes compatriotes. Lorsque nous avons organisé les dernières législatives, à notre grande surprise nous avons vu qu'un certain nombre de mouvements, parmi lesquels l'opposition, réclamaient le boycott. Dieu merci il n'y en a pas eu.

Alain Foca : Cependant il y a eu 65 % d'abstention


Ali BONGO ONDIMBA : Monsieur Foka, vous êtes un observateur de la question politique en Afrique, vous pouvez aisément vérifier que depuis plus de 20 ans au Gabon comme partout ailleurs, nous avons des taux de participations qui sont faibles et nous le déplorons, mais c'est ainsi. La dernière élection législative que nous avons eue à organiser dans notre pays ne déroge pas à la règle. Les taux sont les mêmes et parfois par rapport aux élections antérieures ces taux sont supérieurs au niveau de la participation, donc il n'y a rien d'extraordinaire.

Alain Foca : Pour vous 34 % de participation c'est normal à une élection législative ?

Ali BONGO ONDIMBA : Je ne dirai pas que c'est normal. Moi, je souhaiterais plus de participation, mais c'est un phénomène que nous observons sur toute l'Afrique et ailleurs. Beaucoup de personnes vont moins aux urnes. Dans la cadre purement gabonais, nous avons noté que ce chiffre est en légère hausse par rapport aux dernières élections.

Alain Foca : On a vu partir pas mal de barons du régime de l'époque de votre père. Le fils en a assez de travailler avec les anciens, avec les proches de son père ? Vous voulez effacer la période Omar Bongo Ondimba ?
 
Ali BONGO ONDIMBA : Il est impossible pour nous d'effacer cette période. Comme je vous l'ai indiqué, le gouvernement actuel répond à un souci qui est, normalement et pour moi, principal pour l'attente des Gabonais, celle de voir ce gouvernement accélérer les réformes.

Alain Foca : Ceux-là n'étaient pas capables d'accélérer les réformes ?

Ali BONGO ONDIMBA : Non, je ne dis pas qu'ils n'en étaient pas capables. Mais je dirai qu'aujourd'hui pour certains, après un temps passé aux affaires, ils pourront se consacrer à autre chose. Ce n'est pas surprenant que certains quittent le gouvernement. D'autres de la période que vous citez sont encore là. En plus de cela, j'avais autour de moi des collaborateurs qui sont aujourd'hui, à la présidence, ma garde rapprochée. Je ne me suis pas totalement coupé des barons de la période de mon père comme vous le dites. Au titre de ses collaborateurs, je suis le premier, je suis bien là.

Alain Foca : Aujourd'hui, votre principal opposant, André Mba Obame, se trouve en exil, loin du Gabon. Est-ce que, maintenant que vous êtes légitimé, que vous avez un gouvernement, que vous vous êtes fait élire, que la paix est revenue, que vous dites que vous êtes démocrate, il peut regagner le Gabon ?

Ali BONGO ONDIMBA : Nous sommes en paix au Gabon. C'est vous qui parlez d'exil. Vous a-t-il dit qu'il était en exil ? À ma connaissance, il n'est pas en exil.

Alain Foca : Vu les conditions dans lesquelles il est parti...

Ali BONGO ONDIMBA : Les conditions réelles pour lesquelles il a quitté le territoire relèvent de problèmes médicaux.

Alain Foca : Tout le monde sait bien que ce n'était pas seulement pour des raisons médicales qu'il est parti. Il y a aussi des raisons politiques.

Ali BONGO ONDIMBA : Pourquoi ? Était-il pourchassé, inquiété ?

Alain Foca : Il a dit qu'il était inquiété.

Ali BONGO ONDIMBA : C'est lui qui l'a dit. En attendant, si vous allez consulter ses militants, on vous dira qu'il poursuit sa rééducation et lorsqu'il aura retrouvé l'aptitude de tous ces moyens physiques, je ne doute pas qu'il revienne au Gabon. Et pour le connaitre un peu, je sais que c'est quelqu'un qui aime l'action.

Alain Foca : Donc vous l'attendez ?


Ali BONGO ONDIMBA : Moi principalement non, mais je sais que ses militants l'attendent lui.

Alain Foca : Il y a quelques semaines la police, en France, débarquait dans le logement d'un fils de président voisin, celui de la Guinée équatoriale, pour effectuer une formidable perquisition. On parle d'une caverne d'Ali Baba avec tout ce que l'on a retrouvé sur place, et l'avocat de Transparency international, dans l'affaire des biens mal acquis, a dit dans quelque temps peut-être vous aussi, vous serrez inquiété, parce qu'il y aura aussi une perquisition chez vous. Est-ce que vous viendriez si la justice française vous convoque ? N'avez-vous pas peur d'une perquisition chez vous ?

Ali BONGO ONDIMBA : Voici des propos surprenants, car visiblement cette personne en sait plus sur moi que moi-même. Je n'ai aucune inquiétude dans la mesure où pour venir chez moi et perquisitionner, il faut que j'ai un chez moi. Je n'ai pas de biens en France.

Alain Foca : Et tous ces appartements, tous ces hôtels particuliers, dont on parle, dont on diffuse des images à longueur de journée ? Vous ne pouvez quand même pas dire que vous n'en avez pas du tout ?

Ali BONGO ONDIMBA : Monsieur Foka, je vous connais de réputation. Certainement avant de débarquer dans votre avion pour Libreville, vous aviez fait vous-même des investigations et je m'attendais plutôt à ce que vous me posiez des questions plus précises, du genre « et votre bien qui se trouve à tel endroit ? Et votre immeuble qui se trouve à tel endroit et votre maison qui se trouve à tel endroit ? » Or, ce n'est pas ce que vous faites. Ça veut simplement dire que vous avez vérifié et vous vous êtes rendu compte que je n'ai pas de biens en France.

Alain Foca : Récemment on publiait dans un magazine parisien, les dépenses de votre épouse Sylvia Bongo Ondimba, qui avait dépensé un million d'euros dans un magasin de luxe à Paris.

Ali BONGO ONDIMBA : Vous voyez monsieur Foka que la méthode est toujours la même : on n'annonce que l'on va bientôt débarquer chez Ali Bongo, alors qu'on sait très bien qu'Ali Bongo n'a pas de biens en France. Mais bon, c'est le scoop. Ça fait bien pour vendre un peu de papier et susciter un peu l'attention, et après on parle des achats de madame Bongo, et on s'étonne qu'elle ait des cartes de crédit. Vous n'avez pas de carte de crédit, vous ?

Alain Foca : Je ne peux pas dépenser un million d'euros.

Ali Bongo Ondimba : Mais qui vous dit qu'elle a dépensé un million d'euros ?

Alain Foca : Les chiffres sont là.

Ali BONGO ONDIMBA : Lesquels et c'est de qui ? Je voudrais faire plusieurs observations à ce niveau là. D'abord, ce n'est pas un crime que d'avoir des cartes de crédit ; ce n'est pas un crime de dépenser de l'argent qu'on a proprement gagné et qui est le sien. A ce sujet je voudrais vous dire que ni madame Bongo, ni moi-même ne découvrons l'argent aujourd'hui. Nous avons travaillé.

Mon épouse a travaillé plus de vingt ans et si un certain nombre de personnes faisaient un peu l'effort de venir au Gabon, ils se rendront compte que tous les Gabonais savent que nous avons travaillé. Nous n'avons pas, un jour, débarqué de la lune et découvert l'argent comme on veut bien le dire, et ce n'est pas vrai. Tout ceci n'est en fait qu'une campagne que je ne qualifierai pas, pour détourner l'attention des gens. Ali Bongo est un personnage public, il est aujourd'hui chef de l'État. Qu'on vienne le juger de par son action, et non aller chercher des petits superflus ici et là qui n'ont aucun intérêt à Libreville.

En plus j'aimerais faire remarquer, deuxièmement, nous avons été surpris de découvrir aujourd'hui qu'il existe un nouveau délit. On parle de délit de patronyme. Apparemment je ne porte pas le bon nom, si peut-être je m'appelais Ali Foka, je n'aurai pas les mêmes problèmes que j'ai aujourd'hui.

Alain Foca : Mais vous n'auriez pas les mêmes avantages...


Ali BONGO ONDIMBA : Monsieur Foka encore pour une fois, nous avons travaillé pour être là. Ce n'est pas arrivé par le fruit du hasard. Nous avons travaillé.


Alain Foca : Pour vous, vous êtes victime du délire de patronyme ?

Ali BONGO ONDIMBA : Je suis victime du délire de patronyme.

Alain Foca : Vous n'avez pas peur de cette justice qui avance, puisque cette plainte, aujourd'hui, est recevable en France ?

Ali BONGO ONDIMBA : Pourquoi devrais-je être inquiet ? Je le rappelle encore une fois, j'ai travaillé toute ma vie. Donc, je n'ai pas de crainte par rapport à une quelconque enquête que l'on puisse décider aujourd'hui. Je n'ai pas de biens en France, donc qu'est-ce que c'est ?

Alain Foca : En une minute, monsieur le président, puisque le temps tourne très très vite. Nous avons vu venir ici successivement ces derniers temps, Jean Pierre Raffarin, Laurent Fabius. C'était pour la campagne ? Ils venaient chercher les fameuses valises de Bourgi ? Vous aussi vous en donnez ?

Ali BONGO ONDIMBA : Vous voyez comment vous êtes !
Alain Foca : Vous savez que c'était la tradition à l'ancienne époque et monsieur Bourgi l'a fait connaitre au grand public. Est-ce que cela continue sous monsieur Ali ?

Ali BONGO ONDIMBA : Est-ce que, lorsque vous êtes venu me rencontrer, je vous ai donné quelque chose ? Est-ce qu'il est prévu que je vous donne quelque chose quand vous partirez ?

Alain Foca : Je ne suis pas un homme politique.

Ali BONGO ONDIMBA : Vous me parlez de tradition. Depuis que moi je suis président de la République, personne n'a vu une seule valise quitter le palais. Monsieur Raffarin et monsieur Fabius sont venus dans un cadre bien précis : un partenariat, un échange avec HEC Paris et dans un programme de partenariat avec notre école d'administration. Ce sont deux personnalités, deux anciens ministres, je les ai reçus. On a échangé nos vues sur la coopération et le partenariat qui existe entre nos deux pays. Il n'y a rien d'autre. Malheureusement, je sais que ce genre d'information ne fait pas scoop, ne fait pas vendre. Il est préférable de dire qu'ils sont venus et qu'il y avait pré-campagne. Ça ne ce passe pas comme ça et ça ne se passera plus comme ça. N'en déplaise à certains, qui, je sais, sont nostalgiques de certaines époques.

Alain Foca : Merci monsieur le président

Ali BONGO ONDIMBA : Merci